C'était dans la nuit brune
Sur le clocher jauni
La lune
Comme un point sur un i
Lune, quel esprit sombre
Promène au bout d'un fil
Dans l'ombre
Ta face et ton profil ?
Commentaire
Chef-d'œuvre de fantaisie et de verve gracieuse, paru dans Contes d'Espagne et d'Italie. Il souleva les clameurs des Classiques qui y virent le type même de l'outrance romantique : pittoresque agressif, rythme capricieux.
Rolla (1833) (2 / 10)
Titre du poème
Rolla (1833)
Extrait
Dors-tu content, Voltaire, et ton hideux sourire
Voltige-t-il encore sur tes os décharnés ?
Il est tombé sur nous, cet édifice immense
Que de tes larges mains tu sapais nuit et jour.
Commentaire
Histoire d'un jeune débauché qui, ruiné, usé avant l'âge, se suicide. Il personnifie une génération. Musset incrimine le mal du siècle et invective violemment le vieil Arouet, coupable d'avoir détruit la foi et livré les âmes au vertige des passions.
Lucie (1835) (3 / 10)
Titre du poème
Lucie (1835)
Extrait
Mes chers amis, quand je mourrai
Plantez un saule au cimetière
J'aime son feuillage éploré
La pâleur m'en est douce et chère
Et son ombre sera légère
A la terre où je dormirai.
Commentaire
Strophe placée au début d'une tendre élégie où Musset évoque avec émotion la jeune fille de 15 ans qu'il entendit un soir chanter la fameuse romance de Desdémone : Le Saule. Ces vers sont gravés sur la tombe du poète au Père-Lachaise.
La Nuit de Mai (1835) (4 / 10)
Titre du poème
La Nuit de Mai (1835)
Extrait
Rien ne nous rend si grands qu'une grande douleur
Mais pour en être atteint ne crois pas ô poète
Que ta voix ici-bas doive rester muette
Les plus désespérés sont les chants les plus beaux
Et j'en sais d'immortels qui sont de purs sanglots.
Commentaire
Premier des poèmes du "cycle de la douleur", après la grande passion pour George Sand. Depuis la rupture (mars 1835), le poète brisé n'a rien écrit. Voici que sa muse l'invite à trouver dans sa douleur même la source d'une nouvelle inspiration.
La Nuit de Décembre (1835) (5 / 10)
Titre du poème
La Nuit de Décembre (1835)
Extrait
Du temps que j'étais écolier
Je restais un soir à veiller
Dans notre salle solitaire.
Devant ma table vint s'asseoir
Un pauvre enfant vêtu de noir
Qui me ressemblait comme un frère.
Commentaire
Récit d'une sorte d'hallucination : dans toutes les circonstances de sa vie, le poète a eu le sentiment d'une mystérieuse présence à son côté, un double qui ne le quitte jamais, et qui se nomme au dernier vers : il s'appelle la solitude.
La Nuit d'Août (1836) (6 / 10)
Titre du poème
La Nuit d'Août (1836)
Extrait
O Muse, que m'importe ou la mort ou la vie ?
J'aime et je veux pâlir ; j'aime et je veux souffrir ;
J'aime et pour un baiser je donne mon génie
J'aime et je veux sentir sur ma joue amaigrie
Ruisseler une source impossible à tarir.
Commentaire
Nouveau dialogue où la muse reproche au poète de courir follement les aventures amoureuses. Il répond avec une ardeur frénétique qu'il veut vivre intensément, jusqu'à l'épuisement de son être et de son génie.
La Nuit d'Octobre (1837) (7 / 10)
Titre du poème
La Nuit d'Octobre (1837)
Extrait
Honte à toi qui la première
M'as appris la trahison,
Et d'horreur et de colère
M'as fait perdre la raison !
Honte à toi femme à l'oeil sombre
Dont les funestes amours
Ont enseveli dans l'ombre
Mon printemps et mes beaux jours.
Commentaire
Eclat d'indignation ! Frémissante invective ! Deux ans et demi après la rupture, le poète croit être guéri. Mais dès qu'il commence le récit de son histoire, l'ancienne douleur se réveille, et les plus tumultueuses émotions l'agitent à nouveau.
Souvenir (1840) (8 / 10)
Titre du poème
Souvenir (1840)
Extrait
Un souvenir heureux est peut-être sur terre
Plus vrai que le bonheur.
Je me dis seulement "A cette heure, en ce lieu
Un jour je fus aimé, j'aimais, elle était belle
J'enfouis ce trésor dans mon âme immortelle
Et je l'emporte à Dieu.
Commentaire
Epilogue des Nuits. Le temps a fait son œuvre, la souffrance a fait place à une tendre émotion devant l'évocation d'un bonheur passé, mais qui reste toujours présent, embelli et idéalisé grâce à la mémoire.
Une soirée perdue (1840) (9 / 10)
Titre du poème
Une soirée perdue (1840)
Extrait
Ce n'était que Molière
J'admirais quel amour pour l'âpre vérité
Eut cet homme si fier en sa naïveté
Commentaire
Hommage rendu, avec une lucidité souriante, par un romantique au plus classique des dramaturges français, qui subissait alors une éclipse et dont le public boudait les représentations."J'étais seul l'autre soir au Théâtre Français /Ou presque seul".
Tristesse (1840) (10 / 10)
Titre du poème
Tristesse (1840)
Extrait
J'ai perdu ma force et ma vie
Et mes amis et ma gaieté
J'ai perdu jusqu'à la fierté
Qui faisait croire à mon génie.
Le seul bien qui me reste au monde
Est d'avoir quelquefois pleuré.
Commentaire
Vers tracés au crayon par Musset dans une nuit d'abattement et de regret amer. Ils furent dérobés, à son insu, par un ami qui trouva le chiffon de papier sur la table de nuit du poète. Ils furent imprimés par la suite.